Ce texte est paru initialement dans la revue IALON n°43 de la Kredenn Geltiek Hollvedel : http://www.druidisme.org/ialon/index.html
TULLOU est né le 6 janvier 1909 à Mordelles. Il descend d’une longue lignée d’artisan menuisiers, huchiers, sculpteurs et marqueteurs que l’on retrouve dès 1735 à la Chapelle-des-Fougeretz.
L’artiste membre des Seiz Breur
Elève de Jeanne MALIVEL (des Seiz Breur) qui enseigne la gravure sur bois, il fréquente l’Ecole des Beaux-Arts de Rennes où il côtoie Morvan MARCHAL.
Bleimor, 1928, Beaux Arts de Rennes
A partir de 1937, il est le collaborateur de l’architecte Yves HEMAR (membre des Seiz Breur) à Saint-Malo dont l’œuvre s’inscrit dans le style néo-breton et qui crée, tout comme R. TULLOU, des meubles.
Meubles réalisés par R. TULLOU, 1940
Il est admis comme "mabinog" chez les Seiz Breur le 30 novembre 1942. Après la libération, cette Unvaniezh ar Seiz Breur ("Union des Sept Frères") renaît en octobre 1946. Il fera partie de son bureau provisoire, puis en restera le secrétaire jusqu’à sa disparition en
1947. Jusqu’en 1950, il continuera à fabriquer des meubles d’art puis se consacrera presqu’exclusivement à la sculpture. En 1970, il travaillera avec l’ébéniste CADOREL. Il fera ensuite divers travaux alimentaires de restauration de meubles et de sculptures (statue d’Alain BARBETORTE à Nantes).
Avec le Koun Breizh, qu’il fonde en 1954, ainsi que sa revue Skoed en 1966, il sera à l’origine de la pose de plusieurs plaques commémoratives (comme celle de PONTCALLEC et des insurgés bretons, place du Bouffay à Nantes en 1979), stèles (MOUNES à Bourgneuf-en-Retz en 1984, bataille de Jengland au Grand-Fougeray en 1985), mais ses deux œuvres les plus imposantes resteront la statue de NOMINOE (1952) à Bain-sur-Oust et le monument de Saint-Aubin-du-Cormier (1988).
Le politique
Il fut administrateur de la revue bimestrielle Feiz ha Breiz en 1928. En 1932, il lance de son côté Breiz Digabestr : "Organe des nationalistes bretons chrétiens". Ce journal entend édifier sur des bases spécifiquement chrétiennes la société bretonne de demain perpétuant les caractéristiques de notre pays. En 1935 il rejoint le Mouvement Fédéraliste Breton qui remplace la Ligue Fédéraliste de Bretagne fondée en 1931 par Morvan MARCHAL, René Yves CRESTON, Maurice DUHAMEL, Goulven MAZEAS, … suite au congrès de Guingamp du Parti Autonomiste Breton. Au cours de l'été 1938 il signe un manifeste, sorte de "testament politique" de la L.F.B., signé par Yves GESTALEN, Morvan MARCHAL, Francis BAYER DU KERN, Per GOULVEN, tous anciens membres du Parti Autonomiste Breton et anciens collaborateurs de Breiz Atao:
Nous revendiquons la destruction de l'Etat français à forme centraliste, son remplacement par une fédération française de communautés à base communale, fondée sur le fait ethnique et national, la fédération internationale des États fédératifs, la destruction du capitalisme désordonné et inhumain. Nous nous déclarons toujours partisans d'un Front uni des gauches bretonnes tel que nous l'envisagions déjà en 1933 dans La Bretagne Fédérale, sous le titre "Front rouge". Nous formons des vœux pour sa réalisation et son action en Bretagne, face aux formations fascisantes du Parti National Breton.
Le 25 août suivant, il reçoit un courrier de Morvan MARCHAL : Je suis pas mal découragé par l'accueil fait à la Déclaration. C'est au fond un échec … Les barbouillages de B.A et ce qui s'en est suivi ont complètement annihilé l'effet que nous escomptions de notre initiative. J'ai donc proposé à Ryck (Ryckaert) une petite réunion gueuletonnatoire où, après avoir fait le point, nous déclarons close notre entreprise. La lecture de B.A aujourd'hui en m'apprenant que Coarer and co ont rejoint les rangs de la bande à Mordrel achève de me persuader que la sagesse consiste à regagner nos fauteuils et à ne pas nous en lever de si tôt.
En 1935, la Bretagne Fédérale cesse sa parution. Il aura dessiné le dernier titre de cette revue, dans un style très inspiré de Jeanne MALIVEL, avec faucille et marteau.
Il rejoint ensuite l’éphémère Mouvement Fédéraliste Breton, puis se rallie au Parti National Breton. En 1941, il est responsable de la section de Saint-Malo de Brezona, mouvement qui prône le gouvernement par les élites et deviendra ouvertement national-socialiste, et est, à ce titre, exclu du Parti National Breton.
En 1958, pressentant la future régionalisation, il est l’auteur d'un Mémorandum (livre blanc et noir) pour une "province pilote" adressé au gouvernement français, où il propose une carte d’une région Bretagne fortement inspirée des limites du royaume breton du IXème siècle.
Il reprend, ce faisant, l’idée de J. CHOLEAU qui voulait étendre la Bretagne à l’ensemble de l’Armorique et prétendait que pour conserver Nantes, il fallait adjoindre à la Bretagne son hinterland. Cette proposition, en complet décalage par rapport aux tendances exprimées par le C.E.L.I.B. et le M.O.B., restera lettre morte.
En 1960, il quitte Rennes pour Nantes et se marie avec une ardennaise, hostile à ses idées politiques bretonnes, qui tient un magasin d’alimentation. Il divorcera quelques années plus tard de cette personne avec qui il n’avait en commun que des goûts artistiques.
Il habitera ensuite Saint-Sébastien-sur-Loire, Saint-Etienne-de-Montluc et Indre.
Le Druide
Issu de la tradition martiniste, R. TULLOU fonde la revue Kad en 1936. Puis avec Morvan Marchal et Francis Bayer du Kern, il compose la triade initiale de ce qui constituera en 1946 la Kredenn Geltiek. Il en sera tour à tour le Penc’hweler, le Gudaer Meur et enfin le Ri Drevon Gudaer. Ses noms initiatiques sont NEVEN LEWARC'H ou LUGUMARCOS. Fidèle à Kad et à la Kredenn Geltiek, il les dirigera jusqu’à sa mort en
1990.
Dès 1945, il décidera de relancer Kad et n'hésitera pas, dans les moments difficiles, à le financer sur ses propres deniers. Visionnaire, il sera l'initiateur de nombreux projets tant sur le point de vue spirituel, qu'organisationnel et opérationnel.
NEVEN LEWARC'H ceint de l'écharpe de
Penc'hweler de la Kredenn Geltiek
En 1960, suite à son mariage, il quitte Rennes pour s'établir en région nantaise. Dès 1962, il fera des démarches auprès de l'office Public des H.L.M., pour louer à Saint-Herblain, un ancien pigeonnier du XVIIème siècle, classé aux Monuments Historiques, La Tour Pâtissière, afin d'y abriter le Collège des Bardes de Bretagne, puis plus tard vers 1975 Les Rencontres du Celtisme. En fait il avait depuis longtemps l'ambition de créer un Cercle Culturel de Celtisme et de Bretonnité, projet qu'il structurera à partir de 1978. Le C.C.C.B. devait regrouper au départ plusieurs associations bretonnes dont la Kredenn Geltiek, Le Souvenir Breton (Koun Breizh). Ce lieu aussi nommé Tour Pâtissière, qu'il affectionnait tant, devait être le centre d'un nouveau rayonnement intellectuel et artistique de la Bretagne. Il l'appellera ainsi Neved ar Vro ("Le Sanctuaire du Pays"), ou Tour Kornog ("Tour d'Occident"). D'après un "Schéma d'étude et d'objectifs du C.C.C.B." qu'il rédige en 1978, les objectifs se répartissent en deux volets : Celtisme et Bretonnité. En particulier, une note précise : La vie culturelle du Cercle se situera nécessairement, à l'écart des ingérences diverses, soit confessionnelles ou idéologiques actuellement en cours. Notre comportement se référant d'un large esprit de tolérance et de volonté constante de progrès. Notre objectif devra viser à la création et l'enrichissement d'une bibliothèque celtique et bretonne à la Tour d'Occident. Le cercle sera constitué de diverses branches révélées à nos amis en temps opportun – Le Souvenir Breton aura son siège à la Tour. La Kredenn Geltiek aura son local réservé.
Outre les travaux de rénovation de la bâtisse en mauvais état, Rafig TULLOU projetait de réaliser un aménagement intérieur, selon un agencement très ésotérique, décoré de meubles originaux, emprunts de la symbolique rituélique druidique, de sa fabrication, dont il nous a laissé quelques dessins. Il sera confronté durant vingt ans à diverses difficultés d'abord pour le louer, puis pour l'acquérir et enfin pour le restaurer. Pour acheter ce vénérable monument, il lance une souscription auprès d'amis afin de récolter les fonds nécessaires. La déclaration déposée le 12 novembre 1980 auprès de la préfecture de l’association cultuelle Kredenn Geltiek, indique effectivement que son siège social est à Tour ar Vro, La Pâtissière, 44 800 Saint-Herblain. L'association gardera ce siège social jusqu'au décès de son Président en 1990. Cependant il s'avérera rapidement que l'édifice est dans un état qui nécessite des travaux très onéreux et en réalité il ne sera pas utilisable pour les réunions de ces associations. Une grande partie du mobilier spécifique qu'avait imaginé Rafig restera donc à l'état de projet…
La revue Kad que NEWEN LEWARC'H envoie à des interlocuteurs privilégiés lui sert souvent de carte de visite. Par ce biais, il prend contact, dès le mois mai 1961 avec Philip Peter ROSS NICHOLS (Maenarch, A.U.D.B.) du Druid Order. Plus tard, en 1978, par l'intermédiaire d'AN HABASK (Michel RAOULT) il créera des liens fraternels avec Colin MURRAY, un des derniers chefs survivants, à cette époque, d'une lignée du Druid Order, nommée The Golden Section Order Society, Bardic Chair of Llyndain. Ils se rencontreront plusieurs fois. Cette volonté de créer des liens forts avec la lignée druidique anglaise issue de John AUBREY et John TOLAND était sans doute motivée à la fois par des questionnements sur les origines du druidisme moderne et l'échange de points de vues philosophiques, mais également à une volonté de rapprochement entre ces mouvements. Il est probable qu'il ait voulu associer le Druid Order à son projet de la Tour Ar Vro.
Raphig TULLOU décèdera le 16 janvier 1990 à Saint-Herblain et sera inhumé dans le cimetière d’Indre. La cérémonie funèbre y sera menée selon le rituel druidique par Esunertos / Serj Pineau et Gobannogenos / Alain Le Goff, et allocution de Catumanos / Goulven Pennaod).
§ Ulatocantos et Cadurcos
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