Les cordiances européennes, et singulièrement le druidisme, se sont formées sur une accumulation de strates religieuses correspondant à diverses réalités historiques, sociales, géographiques, anthropologiques. Nous avons ainsi dans nos traditions des reliefs de Religion naturelle (forces naturelles, lieux, plantes, animaux totems), Religion cosmique (Ciel diurne, crépuscule, Ciel nocturne, aurore), de Religion de l’année (alternance saison sombre/ saison claire) et Religion sociétale indoeuropéenne (famille, fonctions). Ces différentes composantes sont le miroir des évolutions de population et des acculturations successives, une nouvelle croyance ne chassant jamais complètement la précédente.
D’une manière un peu simplifiée, on peut cependant reconnaître deux grands axes majeurs : le Chamanisme et la Religion sociétale. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement de valeur sur telle ou telle de ces voies. Ces deux formes de spiritualité abordent différemment trois grands thèmes qui sont le temps, les dieux, et les ancêtres.
Les chasseurs cueilleurs d’Europe, arrivés vers – 11 000 ne se considéraient probablement pas comme extérieurs à la Nature, qu’ils ne définissaient d’ailleurs sans doute pas non plus. Ils étaient, simplement, comme tout ce qui est. Dans cette vision intégrée, il n’y a sans doute pas de divinité, pas de création, pas de péché originel. On est alors dans le Chamanisme direct et naturel. Le Chaman utilise les expériences d'états modifiés de conscience pour atteindre quatre objectifs : entrer en contact avec des esprits et des entités surnaturelles et les ancêtres, soigner les malades, contrôler les déplacements et la vie des animaux, modifier le temps qu'il fait.
Dans cette vision des rapports entre les êtres vivants, il n’y a pas de discontinuité, juste des niveaux différents de la même réalité, il n’y a pas de Sacré, ou alors il est absolument partout. Le temps lui-même n’est peut-être qu’un présent qui dure ou la succession d’instantanés indépendants. C’était l’ère de la Conscience sans la Science.
Dans la perception chamanique, il n’y a que deux pôles d’un même monde : le monde visible et son pendant « surnaturel » et l’on peut passer de l’un à l’autre à tout moment, préférentiellement grâce à l’intercession du chaman. Les dieux ne servant à rien dans cet univers, ils n’existent pas en tant que tels, ne subsistent donc que les esprits des animaux totems, des ancêtres et les forces naturelles. C’est un univers basé sur le binaire. Pas de dieux, le temps est instantané et donc les ancêtres sont contactables à tout moment. L’Humain fait partie de la Nature.
La religion sociétale est sans doute apparue avec les agriculteurs venus d’Anatolie vers -4000 puis les indoeuropéens vers -2500. L’être humain se place alors en dehors de la Nature qu’il tente de comprendre, voire de maîtriser, mais en la sublimant. On assiste à une sacralisation de la Nature et donc à une désacralisation de l’Homme qui s’invente alors des divinités et des rites de reconnexion. La Terre (talantio) est régulièrement fécondée par le lumineux et la société basée sur cette prospérité se donne des dieux intercesseurs. Il y a la saison claire, fertile, et la saison sombre, stérile.
D’instantané, le temps devient ainsi cyclique, mais sans retour en arrière, chaîne éternelle d’instants intriqués et interdépendants. Qui comprend ces cycles et peut les prédire, connait les mouvements des astres et les interprète, devient essentiel à la survie du clan, de la Nation. L’autre monde n’est pas accessible en permanence et les ancêtres ne sont convoqués qu’au changement de saison (Samonios et Belotennia), afin de se relier aux prospérités du passé.
Dans cette pensée sociétale il y a trois mondes distincts avec des ponts : le monde des dieux (et éventuellement des héros) célestes, le monde où l’humain fait fructifier les dons de la nature et le monde des dieux d’en bas et des ancêtres. Les animaux passent de totems à symboliques. C’est de cette vision du Monde que procède le Druidisme comme la plupart des religions antiques. C’est l’ère de la Science et de la Conscience, basée sur le ternaire.
Le monothéisme, le marxisme, le fascisme et le scientisme, pensées millénaristes ennemies des paganismes, on ensuite créé le monde unitaire de la Science sans conscience. Nous savons où il mène.
Que retenir de cet aperçu des paganismes européens ?
Qu’ils sont multiples et donc aussi légitimes les uns que les autres
Qu’ils sont inféodés à un mode de vie et une conception de l’univers différents de ceux de la majorité de nos concitoyens.
Qu’ils diffèrent profondément entre eux. Il est donc absolument impossible de faire en même temps du chamanisme et du druidisme (mais c’est peut-être possible individuellement de manière séquentielle) et que donc soit le Chamanisme druidique n’existe pas, soit ses acteurs ne retiennent que les recettes magiques du chamanisme sans le comprendre véritablement, soit il est le fruit d’une grande confusion spirituelle.
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